Chadian Flag

Hanana

     

Pour vous donner un clin d'œil sur la situation des femmes au Tchad, nous vous présentons quelques témoignages personnelles des femmes tchadiennes de la région du Guéra, tirés du livre "Là où habitent les femmes", éditée par Renée Johns et Rachel Bokoro du Comité Central des Mennonites, en 1993.

     Hanana n'était pas chez elle quand nous sommes arrivées. Elle vivait à Monjino, un village de lépreux juste en dehors de Mongo. Ses amis nous ont dit qu'elle était aux champs; ainsi nous avons pris un camion pour aller la chercher. Quand nous l'avons aperçue elle avait un joug sur ses épaules avec une lourde charge d'herbes sèches. Elle a éclaté de rire quand elle nous a vus. Malgré ses mains et ses pieds mutilés par la lèpre, elle apparaissait incroyablement forte et capable.
     Alors que nous causions et prenions du thé, elle nous parlait librement et chaleureusement, nous faisant souvent rire. Ses yeux brillaient, elle est célèbre par ses chants et souvent même par sa danse.

     Je suis née ici au Guéra et j'étais ici jusqu'à l'âge de 25 ans. Puis j'étais partie à Gedarif, au Soudan pour 13 ans. Là-bas nous avons cultivé les arachides et le sésame. J'étais avec mon frère. Mes parents étaient restés ici au Guéra. Les enfants de mon frère étaient nés au Soudan. Il allait à la Mecque quand sa femme accoucha. Ils sont restés là-bas. Nous étions heureux au Soudan. Nous avons cultivé les arachides et le sésame et j'étais bien payée pour mon travail. Les gens étaient très gentils. J'ai appris à chanter au Soudan. Ici les gens ne chantaient pas beaucoup.
     C'est lors de mon séjour au Soudan que j'ai attrapé la lèpre. D'abord j'ai eu des taches rouges sur la peau. Là-bas les gens ont peur des lépreux. Ils ne veulent pas vous laisser dans le train ou dans la voiture avec eux. Je me suis couverte avec un laffaye (voile) pour cacher mes taches rouges; ainsi j'ai pris un train, puis des camions pour revenir au Tchad. Mon mari est retourné avec moi. Mais ce n'était pas normal que je me marie à un homme bien portant. C'est ainsi que je l'ai renvoyé. Il a retrouvé sa famille à Am-Timan. Je n'ai jamais reçu de leurs nouvelles. Il aurait pu rester mais je ne pouvais pas être sa femme puisque je ne pouvais pas lui préparer à manger. Je voudrais me remarier mais à un lépreux comme moi parce que je suis trop mutilée pour m'occuper d'une maisonnée.
     Je suis directement revenue à Mongo parce que j'ai appris qu'il y avait des injections qui pouvaient me guérir. D'abord j'étais à l'hôpital mais ensuite ils m'ont fait aller dans un village. J'ai perdu beaucoup de force en ce lieu. Il n'y avait pas d'injections à prendre mais je prenais des comprimés. Mes pieds constituent maintenant mon plus grand problème. Il y a des personnes au village pour bander mes pieds. Je ne voudrais pas vivre à Mongo, je resterai à Monjino. Les gens n'ont pas peur de nous les lépreux au marché de Mongo. Ils sont très gentils. Mais je veux rester ici dans le village.
     Mon frère est encore au Soudan avec ses huit enfants. Je ne suis jamais retournée au Soudan. Je n'ai pas d'enfants. La jeune fille qui vit avec moi ici est la fille de mon frère. Elle est venue du Soudan avec moi pour m'aider en prenant soin de moi. Elle prépare mes repas parce que mes mains sont trop mutilées pour préparer la boule. Elle a deux enfants. Elle travaille aussi aux champs avec moi. Nous cultivons le sésame et le mil. Nous sommes des musulmans. Je ne vais pas à la mosquée ici parce que les femmes ne sont pas autorisées. Cependant je partais à la mosquée pendant les fêtes religieuses au Soudan. Ils ont lu le Coran que j'aime beaucoup.

Retourner à la page dédié aux femmes tchadiennes

 

 

 

View this page in English

 
  Pour le moment, la majorité des témoignages qu'on a pu recueillir viennent des femmes tchadiennes au Guéra. Les femmes tchadiennes partout dans le monde (surtout au sud et à l'est du pays, ainsi qu'à l'étranger) sont invitées à nous envoyer leur témoignage personnelle de ce que c'est vraiment d'être femme tchadienne...  
   

Écrivez-nous!